top of page

Le repas de Noël

  • Odile Guyonnard
  • 21 déc. 2024
  • 7 min de lecture

(Il n’est pire sourd que celui qui ne veut entendre ou Et moi, et moi, et moi !)

Personnages :

Grand-mère Lucette, dite Mamie Lulu, l’arrière-grand-mère

Paul, le grand-père, fils de Lucette

Jeanne, la grand-mère, femme de Paul

Alban, le fils aîné

Sonia, la belle-fille, femme d’Alban

Justin 7 ans et Aurore 4 ans, les enfants de Sonia et Alban

Annaïck la fille cadette de Jeanne et Paul

Louis le fils benjamin de Jeanne et Paul

Les lutins

La dinde

Le rouge-gorge

L’Enfant Jésus


Nous sommes chez Jeanne et Paul. Une table de fête étincelante est dressée. L’Enfant Jésus est couché dans la crèche, la petite Aurore a fixé une grande étoile scintillante sur le toit de la maisonnette, les cadeaux sont disposés au pied du sapin somptueux.

Les lutins se sont cachés dans les branchages. Un rouge-gorge se pose sur le bord de la fenêtre. Les convives arrivent.

Les lutins (en chœur) :


Ah ! Qu’est-ce qu’on a bien travaillé !

C’est grâce à nous que tout est prêt.

Chut ! Voici venir les invités,

On va pouvoir les espionner


Arrivent Louis, le benjamin de Jeanne et Paul, puis Annaïck, sa sœur, récemment séparée de son compagnon, et enfin Sonia et Alban, les parents de Justin, six ans, et Aurore, quatre ans, déjà confiés pour les vacances à leurs grands-parents.

Grand-mère Lucette, la mère de Paul, est arrivée la première et est installée dans un grand fauteuil à oreillettes.

Justin et Aurore se précipitent vers leurs parents.

Aurore : Tu sais, maman, mamie Jeanne elle dit que je regarde trop la télé !

Justin : Ils sont où, mes cadeaux ?

Alban : Patience, les enfants !

Après les embrassades et l’apéritif, tout le monde s’installe autour de la table. C’est Justin qui a écrit les places au stylo doré sur des cartonnettes et Aurore qui a collé les gommettes tout autour des noms.

Sonia : Oh ! Jeanne ! Quelle table magnifique ! D’ailleurs, j’ai une amie très douée – on était à l’école ensemble, elle était toujours deuxième, la première c’était moi – qui propose des idées de table de Noël sur son blog. C’est très tendance, bon elle a parfois un goût un peu bling-bling mais vraiment c’est chouette ce qu’elle fait. Vous devriez regarder, Jeanne, ça vous donnera des idées pour l’année prochaine. Pour changer un peu.

Justin : C’est moi qui a fait les images des places !

Aurore : Pas que toi ! Moi aussi ! J’ai fait les gommettes. Hein c’est joli les gommettes hein papa ?

Justin : Ouais mais regarde, celle de Mamie Lulu, tu les as collées de travers ! T’es pas douée !

Aurore : Et toi, t’es un poulet pourri aux cacahuètes !

Justin : Maman ! Aurore, elle m’insulte !

Grand-mère Lucette : C’est comme Paul avec Daniel quand ils étaient petits. Toujours à se chamailler ! Nous, pendant la guerre, on n’avait pas le temps de se disputer. C’était pas drôle vous savez ! Il fallait trouver à manger. On allait faire la queue avec les tickets de rationnement. Et parfois, quand c’était notre tour, et ben, y avait plus rien !

La dinde : Ouais, ben, c’était le bon temps pour les dindes !

Paul : Alors, Louis, tu devais pas nous amener ton amoureuse ? Elle est où ? Elle se cache ?

Louis : J’ai plus d’amoureuse. Je l’ai jertée. C’était une poufiasse. Je t’expliquerai, papa. Et puis finalement, je me demande si je préfère pas les garçons…

Sonia : Alors Annaïck, ma petite belle-sœur ? Je sais pour Julien, ça doit être dur pour toi. J’ai vu sa nouvelle copine sur Facebook. Ils ont posté des selfies trop sympas. On peut pas dire mais elle a de la classe ! Et qu’est-ce qu’elle est mince ! Pour moi, elle est trop maigre. Annaïck, tu vas venir dîner à la maison, j’ai quelques amis célibataires. Et avec des bons jobs ! Tu verras, un de perdu, dix de retrouvés. On en a un, Fabien, il a ouvert son cabinet d’avocat depuis un an et ça marche trop bien, je te jure !  Alban, qu’est-ce que tu penses de Fabien pour Annaïck ?

Annaïck se détourne en reniflant et murmure…

Annaïck : Pauvre conne !

Jeanne : Je vous installe à table, Lucette ?

Grand-mère Lucette : Merci ma petite Jeanne. Oh ! Que j’ai mal aux jambes ! Prends-moi plutôt l’autre bras. Je te l’ai déjà dit pourtant que mon épaule droite me fait souffrir ! Qu’est-ce que tu as dans la tête, ma pauvre Jeanne ? Et c’est quoi cette histoire de garçon qu’il dit, Louis ?

Jeanne : Bon, Paul, tu la découpes ou non, cette dinde ?

Grand-mère Lucette : Tu as de la chance, Jeanne, d’avoir un mari qui sait découper la volaille. Moi, c’était toujours moi qui le faisais. D’ailleurs je faisais tout. Et pas de machine à laver le linge à cette époque, on lavait les langes à la main. Tu t’imagines un peu ? C’est moi qui ai appris à mes fils à découper les volailles. On pouvait pas compter sur leur père. Ah ! Tu sais ! Mon pauvre Gustave !

La dinde : Ils m’ont fait mariner, ils m’ont farcie avec des champignons qui puent, ils m’ont mise à bronzer dans un four d’enfer, ils m’ont flambée comme Jeanne d’Arc, et maintenant ils veulent me découper ! Si c’est pas de la torture ! Pitié !

Aurore : Mamie Lulu, il était gentil, grand-père Gustave ?

Grand-mère Lucette : Oui oui ma petite. Un peu coureur sur les bords, mais gentil.

Justin : Ah ! Et il courait vite ? Moi aussi, j’aime bien courir, comme grand-père Gustave !

Le rouge-gorge (sur le rebord de la fenêtre) : Bon y a pas une graine à récupérer. La mésange, elle me l’avait bien dit pourtant, rapport à leur régime alimentaire. Je me casse, je veux pas finir comme cette pauvre dinde. En même temps, si elle avait un plus de jugeote. On n’a pas idée d’être aussi bête ! Je vais aller à la mangeoire de madame Arlette. Elle est toute seule pour Noël, sa fille est à Marrakech. Madame Arlette, elle pense à ses oiseaux, elle a garni la mangeoire de graines de tournesol.

Les lutins (en chœur) :


Ah ! Vraiment la jolie famille !

Gentils garçons et sages filles

Vont partager leurs pacotilles

Après le repas qui croustille.


Alban : Tu veux de l’aide, Papa ?

Paul : Ouais je veux bien. Je lui avais dit à ta mère de nous épargner la dinde cette année. Je déteste découper les volailles. Mais elle avait une occasion de me faire chier, tu penses bien qu’elle l’a pas loupée…

Alban : Papa, ça va mieux ta tension ?

Paul : Oui ça se stabilise avec les médicaments. Mais le dis pas à ta mère, j’aime bien quand elle est un peu inquiète…

Et toi, le boulot, ça va ?

Alban : Ben pour moi ça va, y a un plan de licenciement mais je fais pas partie de la charrette. Heureusement, parce je suis sûr que sinon Sonia me quitte. Elle penserait que je suis un looser.

Paul : Non ?

Alban : En plus y a son dentiste qui lui fait du gringue. Un pauvre type je te le dis, mais il a refait les dents de tout le quartier, il se balade en Alfa.

Paul : Moi j’ai jamais été licencié. Peut-être que Jeanne m’aurait quitté. Parfois il faut un mal pour un bien. Maintenant c’est trop tard, je suis à la retraite.

Annaïck (tout bas, à Louis) : Toi, tu largues, moi je me suis fait larguer. C’est pas la joie !

Louis : Oh ben moi ça va très bien. La liberté, tu sais, c’est génial ! Je fais ce que je veux quand je veux !

Annaïck : Oui mais moi, j’ai de la peine. Julien me manque beaucoup.

Louis : T’inquiète, ça va passer. Allez, bois un coup !

Sonia (qui a entendu la conversation entre Annaïck et Louis) : Moi, j’ai tous mes ex comme amis sur Facebook. Lucas, il est directeur d’une start-up de games dans la Silicon Valley. Jérôme, il est devenu ambassadeur au Venezuela. On est invités à Caracas, moi et Alban, pour l’été prochain. C’est trop sympa. Et Thibault, après moi, il est entré dans les ordres et il vient d’être nommé évêque par le Pape. C’est dingue, non ? Et ils me disent tous qu’ils gardent de moi un souvenir magnifique. Franchement, ça me flatte.

Louis : Ben, ils sont pas difficiles !

Annaïck rit sous cape.

Sonia : Pardon ?

Louis : Rien rien…

Jeanne : Allez, je vous sers mes enfants ! Lucette ?

Grand-mère Lucette : Oh tu sais, je n’ai pas très faim. Et puis la dinde, je trouve ça un peu sec. Et avec mon dentier, tu sais, c’est pas terrible, la viande fibreuse…

Sonia : En tout cas, mamie Lulu, si vous avez besoin d’un dentiste, j’en connais un top !

Alban (tout bas à Paul) : Tu vois, je l’avais dit !

Sonia : Maman, elle fait toujours des magrets de canard à Noël. On se régale, on adore ça !

Annaïck : Alors, pourquoi t’es là puisque c’est tellement mieux chez ta mère ?

Sonia : Ah mais non ! Ce n’est pas du tout ce que je voulais dire. Il faut se partager. Une année chez les parents d’Alban, une année chez mes parents. C’est pour équilibrer, n’est-ce pas Jeanne ?

Jeanne : Mais oui, bien sûr, Sonia ! D’ailleurs, comment vont vos parents ?

Sonia : Oh cette année ils ont une cousinade très sympa du côté de Papa dans le Bordelais. Ils sont trente-cinq, tous les cousins réunis. Ils ont loué une grande maison dans les vignobles. On était invités, j’aurais trop aimé retrouver mes cousins, mais bon c’était pas la bonne année. C’est normal qu’Alban veuille être avec sa famille, hein mon cœur ?

Alban : Et puis tes cousins, j’en connais même pas la moitié !

Sonia : C’est vrai, on est une tellement grande famille. Mais ça n’empêche pas d’être très unis !

Justin : C’est quand, les cadeaux ?

Aurore : Tu sais, mamie Lulu, j’ai que trois pièces dans ma tirelire. Ma copine, elle en a beaucoup plus.

Sonia : Allons allons Aurore, ma puce, n’embête pas mamie Lulu, tu sais bien que l’argent ne fait pas le bonheur.

Grand-mère Lucette : Ah mais si on gâte pas les enfants à Noël, quand va-t-on les gâter ?

Annaïck (tout bas à Louis) : Les gâter, oui c’est ça, pour bien les pourrir…

Grand-mère Lucette : Je ne prendrai pas de dessert ma petite Jeanne. Tu sais, j’ai jamais été trop sucrée. C’est pas comme toi. D’ailleurs tu devrais faire attention. La ménopause et le sucre, ça va pas bien ensemble.

Ma petite Sonia, tu peux m’aider à aller dans le fauteuil ? Je suis mal assise sur cette chaise. Tu aurais dû me mettre un coussin, Jeanne. J’ai le dos en compote. Vous verrez quand vous aurez mon âge…

Jeanne : Oui, oui, ma pauvre Lucette, on verra, on verra. Nous oui, parce que vous…

Grand-mère Lucette : Tu sais, ma petite Jeanne, on finira tous dans le même trou !

Annaïck (transfigurée après avoir regardé son téléphone portable) : C’est Julien ! Il me souhaite un joyeux Noël !

Sonia : Il est trop sympa, Julien !

Aurore et Justin : Les cadeaux ! Les cadeaux ! Les cadeaux !


Les lutins (en chœur) :


Qu’il est doux le jour de Noël

Où célébrant l’Emmanuel

Chacun peut déverser son fiel

Dans les lumières qui ruissellent !


L’Enfant Jésus :


Et moi tout nu dans ma mangeoire.

L’amour sur Terre il faut y croire.

Qui se soucie de mon espoir ?

C’est pas encore gagné pour ce soir…

Posts récents

Voir tout
Enfiler des perles

A : Bon on fait quoi maintenant ? B : On joue ! C : Et la bûche ?  B : De toutes façons t’aime pas la crème au beurre ! C : Pourquoi ?...

 
 
 
L’Avent, quelle angoisse !

Comme chaque année en ouvrant la première petite porte du calendrier de  l’Avent, elle se demande comment elle va bien pouvoir faire face...

 
 
 
ALLEZ, OUSTE !

Arnaud  : Toi, t’as pas la langue dans ta poche ! Basile  : Et tu ne l’as pas, peut-être ! Arnaud  : Moi, je fais attention à ne pas...

 
 
 

Comments


bottom of page